Réalisateur célèbre du géant « Nanouk, l’esquimau » et de « Louisiana Story ». Des films qui ont marqué à jamais le cinéma documentaire à (re)découvrir ici.
Robert Flaherty est un explorateur et spécialiste des minéraux souvent considéré comme le père du documentaire.
Dans l’histoire du cinéma, il existe une opposition très nette entre Robert Flaherty et Dziga Vertov marquant deux manières d’aborder le cinéma documentaire. Cette différence, peut-être ancrée dans l’opposition entre Griffith et Einseinstein, tient essentiellement du montage. Des coupes visibles avec un jeu de montage très présent chez Vertov, se servant du medium comme outil d’expression du réalisateur, auteur et sujet du film (le ciné-oeil), on dérive à un montage plus linéaire et volontairement invisible chez Flaherty; ce qui l’intégra rapidement au rang des géants du cinéma mais qui lui amena aussi les foudres…
Nanouk l’esquimau, tourné en 1922 dans la région de Port Harrison (baie d’Hudson au Canada), suit Nanouk, un inuit qui, avec sa famille, part continuellement à la chasse, devant braver la famine que l’hiver annonce.
Nanouk l’esquimau est un travelogue (désignant à l’époque les montages sommaires et commentés des explorateurs). Pourtant, John Grierson proposa à partir de ce film le terme de « documentaire » On a parfois parlé de documentaire romancé, parce qu’il « fictionne » le réel, ou même de documentaire ethnographique. Flaherty fait en plus jouer les personnes filmées en leur proposant de se mettre en scène en rejouant leurs gestes du quotidien.
Il réalise un premier film dont l’unique bobine brulera dans un accident. Flaherty était déçu de l’accueil lié à cette première expérience. Il décide de tourner Nanouk avec une toute autre approche : il associe les esquimaux à son entreprise en leur montrant régulièrement les rushs, se focalisant sur leur regard pour construire une trame narrative.
Par la suite il continuera cette approche du cinéma en créant continuellement des liens de complicité avec les sujets filmés. Une méthode que l’ont retrouvera plus tardivement chez Jean Rouch et le mouvement du cinéma direct.
Le style hollywoodien aurait sa propre limite : Flaherty a été très critiqué pour sa manière de reprendre le réel à son compte. Il met en scène les personnages de ses films, interdisant toute lecture objective de ses oeuvres, ce que beaucoup estimèrent à l’époque comme de la manipulation. Il dramatise les événements, créant avec Nanouk un personnage principal, développant les outils même de la narration hollywoodienne. On parle plutôt de docu-fiction – à titre d’exemple, Nanouk n’est pas en couple et n’a pas d’enfant, il va même jusqu’à recréer l’igloo du film pour des soucis de lumière.
Mais tout repose sur une croyance en une pseudo-objectivité, Flaherty cherche à mettre en avant une vérité profonde que la fiction ne peut développer, une mémoire encore vivante.
Son travail avec Murnau en est un parfait exemple. Créant une société de production tous deux, ils finissent par s’embrouiller sur le tournage de leur film « Tabou ». Flaherty souhaite se confronter au documentaire, croyant en son authenticité et considérant à son tour la mise en scène de Murnau comme de la manipulation…
Au final, le style documentaire développé par Flaherty et repris après par l’école de Grierson peut se définir en trois points fondamentaux : une longue immersion dans le milieu qui sera filmé, l’absence total de scénario et l’emploi de comédien exclusivement non professionnel.
Tout ceci reste une analyse relativement rapide de son travail et je ne peux que diriger les amateurs désireux d’approfondir cette question vers le travail de François Niney et de Guy Gauthier dont je tire cette très belle explication du style Flaherty dans son livre « Le documentaire : un autre cinéma » :
« Dans l’ensemble, la différence radicale avec le cinéma romanesque frappe plus que le rapprochement avec le documentaire moderne. C’est que Flaherty n’a pas, comme le suggèrent certains rapprochements rapides (y compris d’ethnologues), un propos ethnographique. Il fait un documentaire sur la condition humaine, ni plus ni moins. L’Homme, la Famille, la Nature : le propos est cosmique. »
En bonus, je vous offre le film « Louisiana Story » de 1948. Le film suit un jeune garçon cadien, circulant en pirogue dans un bayou de Louisiane. Flaherty nous offre une exploration très lyrique de la faune et la flore de la Nouvelle-Orléans. Excursion qui sera perturbée par les explosions d’un tracteur aquatique dirigé par des prospecteurs venus installer un puits de pétrole…
A lire :
A voir :
Film expérimental autour de Nanook :
https://archive.org/details/TheNanookIncident
P.S. Les esquimaux (marque déposée en France) a pour origine le succès mondial du film Nanouk. Pensez à ressortir cette information lors des repas de famille…