Black Panthers (Agnès Varda, 1968)

En 1968, au moment où ouvriers et étudiants français bouleversent l’ordre en place en France, Agnès Varda se tourne vers une autre révolte, celle du Black Panther Party aux États-Unis, à Oakland. Dans un documentaire radical et déterminé, elle évoque la répression policière en adoptant le ton révolutionnaire des militants qu’elle filme.


Réalisation & Scénario : Agnes Varda
Pays d’origine : France
Genre : Documentaire
Durée : 30min
Sortie : 1968

Agnès Varda débarque aux États-Unis à l’automne 1967 pour présenter son film Les Créatures dans un festival de San Francisco, et elle en profite pour commencer sa période américaine : Uncle Yanco (1967), Lions, Love And Lies (1969)… Le producteur Tom Luddy, qui dirigeait la Pacific Film Archives, lui fait alors rencontrer les responsables du Black Panther Party, alors que les manifestations autour du procès de Huey Newton, cofondateur de l’organisation avec Bobby Seale, battent leur plein à Oakland.

Une émission de télévision française profite de la présence de Varda sur place pour lui commander ce reportage sur le sujet, Black Panthers, qui ne sera finalement pas diffusé – pour ne pas réveiller les feux de mai 1968 – on était à l’automne 1968. « C’était un moment éphémère où le Black Panther Party était encore cohérent, organisé, avec un programme en dix points et un entraînement militaire. Ils étaient persécutés par les pigs [les flics, ndlr] qui n’hésitaient pas à briser leurs vitrines. Je m’avançais vers eux avec un accent bien français et je disais : “French televi­sion.” C’était un mot magique à l’époque » nous confiait-elle en 2014, lors de la ressortie en salles du film.

Pour ce film, Agnès Varda et Pascal Thomas, son assistant, réussissent à avoir une rare interview de Newton, en prison. Varda insiste aussi sur la place de l’image (tracts, bannières, badges, tee-shirts, permettent de faire entendre une voix couverte) dans le mouvement Black Is Beautiful et sur le rôle primordial des femmes dans la lutte du parti. On est saisis par la force combative des regards caméras captés par la cinéaste en amorce, derrière lesquels des meetings se tiennent pour la justice, l’éducation et la paix.

Formation

Agnès Varda étudie à l’Ecole du Louvre et à la faculté de lettres de Paris. Pendant dix ans elle est photographe attachée au TNP (Théâtre national populaire) de Jean Vilar. En 1954, elle se lance dans le cinéma sans aucune formation, avec un long-métrage déjà annonciateur de la Nouvelle vague : La Pointe courte.

Carrière au cinéma

Agnès Varda rompt avec la narration propre au cinéma dominant et invente la cinécriture : c’est de l’image que doit naître l’histoire et non l’inverse. Quant à la manière de voir, ce n’est pas forcément la sienne. Sensible mais distante, Agnès Varda fait circuler un véritable corridor entre fiction et réel grâce à une mise en scène résolument décalée. D’où l’aspect légèrement documentaire de Cléo de 5 à 7 (1961). Varda y filme un double drame. Celui du mannequin que deux heures séparent du résultat de ses analyses médicales, puis celui de la femme qui, au fil de son errance entre Montparnasse et le Parc Montsouris, ouvre soudain les yeux sur sa condition d’objet.

Aux côtés de la Nouvelle Vague, on parle plutôt, à son sujet, comme de Jacques Demy, de Chris Marker ou d’Alain Resnais, de cinéma de la « Rive gauche », afin de marquer une différence sociologique et politique. 

Le Bonheur (1964) est une fable sur une donnée de l’existence dont la signification demeure insaisissable. Pour marquer le contraste entre la nature, la sensualité, où s’inscrit le bonheur, et le conflit, Varda joue de sa maîtrise des couleurs. Puis elle tourne avec Catherine Deneuve et Michel Piccoli pour Les Créatures (1965). Varda tourne ensuite Daguerréotypes (1975), un documentaire sur les habitants et les commerçants de sa rue, la rue Daguerre.

L’Une chante, l’autre pas (1976) met en scène deux femmes, deux conditions féminines filmées avec un recul amplifié par les quinze années qui les séparent. Puis, en 1980, Varda construit deux films sur Los Angeles, Documenteur et Murs murs.

Le film qui la consacre demeure Sans toit ni loi (1985) et lui permet d’obtenir le prix Méliès et le Lion d’or à Venise. Une marginale est retrouvée morte un matin d’hiver au bord de la route. Agnès Varda reconstruit les deux derniers mois de la jeune femme par des flashs-backs.

A la mort de son époux Jacques Demy en 1990, elle réalise trois films en son hommage : une fiction, Jacquot de Nantes (1990) et deux documentaires, Les Demoiselles ont eu 25 ans (1992) et L’univers de Jacques Demy (1995).

A l’aide d’une caméra numérique, elle réalise Les Glaneurs et la glaneuse (1999), un documentaire sur le glanage très bien reçu par le public et les critiques. Elle fera une suite sous le titre Deux ans après (2002). Elle reste ensuite dans le documentaire, cette fois-ci plus personnel avec Quelques veuves de Noirmoutier (2004) et surtout Les Plages d’Agnès (2006) : un auto-portrait à la fois privé et professionnel, qui lui vaut, en 2009, le César du Meilleur film documentaire.

En 2017, elle reçoit un Oscar d’honneur récompensant l’ensemble de sa carrière.

Autres activités

Pour la télévision, Agnès Varda tourne Une minute pour une image (1983) et écrit quelques ouvrages dont : Varda par Agnès (1994) et L’île et elle (2006).

En 2006, Agnès Varda, qui aime à se définir vieille cinéaste et jeune plasticienne, expose à la Fondation Cartier sur le thème de l’île de Noirmoutier. Elle y rassemble textes, photographies et une dizaine d’installations vidéo. Trois ans après, elle présente Les cabanes d’Agnès lors de la Xème Biennale d’Art contemporain de Lyon (2009-2010).

Prix

  • Oscar d’honneur pour l’ensemble de la carrière, 2017 au AMPAS – Academy of Motion Picture Arts and Sciences
  • Prix pour l’ensemble de l’oeuvre, 2001 au Césars du Cinéma Français

Extrait de :

http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=14595